Le rôle des fibres dans l’alimentation des chevaux

Un kilo de céréales ne remplacera jamais une brassée de foin dans l’assiette d’un cheval. Malgré l’image bien ancrée d’un animal énergique carburant aux concentrés, la réalité est têtue : c’est la fibre, discrète mais incontournable, qui alimente réellement la vitalité équine. Priver le cheval de cette base, c’est prendre le risque de dérégler sa digestion et, à terme, de menacer son équilibre tout entier.

La fermentation qui s’opère dans le gros intestin du cheval n’a rien d’anecdotique : c’est elle qui libère les acides gras volatils, carburant principal de leurs muscles et de leur endurance. Ce processus va bien au-delà de la simple digestion ; il façonne l’écosystème intestinal, protège la santé générale et limite l’apparition de troubles que l’on pourrait facilement éviter en soignant la composition des rations.

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Les fibres alimentaires : un pilier discret mais incontournable pour le cheval

Dans l’alimentation du cheval, les fibres n’occupent jamais le devant de la scène, mais sans elles, rien ne fonctionne vraiment. Issues avant tout du foin, de l’herbe et de la paille, elles dessinent la structure même de la ration et orientent le comportement alimentaire de l’animal. La cellulose, l’hémicellulose et la lignine composent cet échafaudage végétal. On distingue généralement deux grandes familles : fibres solubles, fibres insolubles, ce subtil dosage conditionne tout, du temps de transit à la qualité de l’assimilation.

Un cheval, par nature, dépend du fourrage pour maintenir ses fonctions vitales. L’herbe fraîche, gorgée d’eau et riche en fibres faciles à digérer, nourrit la diversité bactérienne de son intestin. Le foin, qu’il soit tiré de graminées ou de légumineuses comme la luzerne, concentre les éléments nutritifs et prend le relais dès que les pâtures s’appauvrissent. Quant à la paille, plus rugueuse, elle complète sans excès calorique et soutient la mastication.

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Pour illustrer la diversité des fourrages et leurs spécificités, voici un aperçu comparatif :

Type de fourrage Teneur en fibres (%) Spécificités
Foin de graminées 28-34 Bonne digestibilité, base de la ration
Foin de légumineuses 25-30 Plus riche en protéines, calcium
Paille 35-45 Faible valeur nutritive, rôle de lest

Le choix des fourrages et l’équilibre des fibres varient selon l’âge, le niveau d’activité et les besoins individuels du cheval. Une ration adaptée associe différentes sources, marie fibres solubles et insolubles, et s’ajuste à la saison, à la condition physique et au tempérament. La qualité, elle, ne se discute pas : herbe jeune, foin récolté à point, paille propre, rien ne doit être laissé au hasard. C’est souvent dans la banalité de la fibre, négligée à tort dans bien des écuries, que se niche la clé du bien-être équin.

Pourquoi la digestion du cheval dépend-elle autant des fibres ?

Chez le cheval, la digestion ne tolère ni l’impatience ni l’excès de modernité. Son estomac, minuscule par rapport à sa taille, cède vite la place à un intestin postérieur immense, où la fermentation fait loi. C’est dans ce laboratoire interne que les fibres, surtout celles qui se digèrent facilement, rencontrent une flore microbienne spécialisée. De cette rencontre naît l’énergie véritable du cheval, sous forme d’acides gras volatils, bien plus efficaces que l’amidon pour soutenir l’effort ou la récupération.

Les fibres n’agissent pas seules : leur ingestion déclenche la production de salive, protège la muqueuse digestive et régule l’acidité gastrique. À chaque bouchée, la mastication prolonge le plaisir et ralentit le passage des aliments, évitant ainsi les à-coups métaboliques. Dans le tube digestif, elles retiennent l’eau, stabilisent le transit et favorisent une hydratation constante, essentielle pour prévenir les blocages ou la déshydratation.

Par ailleurs, la fermentation des fibres permet la libération de vitamines du groupe B, précieuses pour l’équilibre nerveux et la vitalité. On le voit, le cheval heureux est celui qui mâche longuement, ronge son foin, explore son paddock. Derrière ces gestes simples se cache un bien-être qui repose sur la justesse de la ration.

Voici ce que recouvrent les principales catégories de fibres dans l’alimentation équine :

  • Fibres solubles : fermentent rapidement, produisent des acides gras volatils, favorisent l’énergie disponible.
  • Fibres insolubles : accélèrent le transit, préviennent la stagnation des aliments dans l’intestin.

Priver un cheval de fibres, c’est ouvrir la porte aux désordres digestifs, à l’agitation, à la baisse de forme. Au contraire, en soignant ce paramètre, on offre à l’animal des fondations solides pour affronter l’effort, le stress ou tout simplement, la routine du pré.

Quels signes révèlent un manque ou un excès de fibres dans la ration ?

Quand la fibre fait défaut, le cheval ne tarde pas à donner l’alerte, parfois à sa façon. Les signes les plus fréquents touchent d’abord la digestion : coliques, ballonnements, crottins mous ou diarrhée apparaissent rapidement. Une ration déséquilibrée, truffée d’aliments concentrés et avare en foin ou en herbe, dérange l’écosystème digestif. L’animal devient nerveux, s’attaque au bois, avale de l’air, autant de signaux qui doivent pousser à revoir l’assiette. À terme, la perte d’état guette, et des troubles aussi graves que la fourbure peuvent surgir, conséquence directe d’un transit malmené.

Mais l’excès ne pardonne pas non plus. Trop de fibres peu digestibles, comme une paille abondante ou un foin trop mûr, ralentissent la digestion et grèvent l’apport énergétique. Résultat : le cheval maigrit, son poil se fait terne, l’appétit s’effrite. Les crottins, eux, se dessèchent, deviennent compacts, et le risque d’obstruction intestinale augmente, surtout chez les plus âgés ou ceux qui boivent peu. Une telle ration dilue par ailleurs les protéines et les oligo-éléments, installant en douceur des carences insidieuses.

Pour synthétiser, voici un tableau des principaux symptômes associés à un apport inadapté en fibres :

Manque de fibres Excès de fibres
  • Coliques, diarrhée
  • Amaigrissement
  • Troubles du comportement
  • Fourbure
  • Maigreur
  • Crottins secs
  • Risque d’impaction
  • Carences (protéines, oligo-éléments, carotènes)

Rien ne remplace un œil attentif sur le comportement du cheval, la consistance de ses crottins, l’aspect de son poil et l’évolution de sa condition physique. Ces indicateurs, souvent négligés, signalent pourtant très vite si la ration mérite d’être ajustée.

Gros plan sur la bouche du cheval mordant de l herbe verte

Des conseils pratiques pour enrichir l’alimentation de votre cheval en fibres

Pour garder le système digestif du cheval performant et préserver son équilibre général, il s’agit de construire la ration autour de fourrages de qualité. Le foin, choisi avec soin, riche en graminées et légumineuses, sec et sans poussière, reste la pierre angulaire de cette alimentation. La luzerne, plus concentrée en protéines et en calcium, peut compléter les besoins des jeunes chevaux ou de ceux engagés dans un travail soutenu. La paille, elle, trouve sa place pour occuper l’animal sans surcharger l’apport calorique, notamment chez les sujets qui ont tendance à prendre du poids.

On peut varier les sources de fibres en ajoutant, par exemple, de la pulpe de betterave, des pellicules de soja ou du son de blé. Bien humidifiés, ces ingrédients diversifient la ration, limitent la monotonie et contribuent à la production d’acides gras volatils. Selon les recommandations de l’INRA et les recherches en nutrition équine, la part de matière sèche issue des fourrages doit représenter au moins 1,5 % du poids vif du cheval chaque jour.

Voici quelques pistes pour équilibrer concrètement la ration en fibres :

  • Limiter les céréales et les aliments concentrés, surtout pour les chevaux au repos ou peu sollicités.
  • Procéder par étapes lors de tout changement alimentaire, pour laisser la flore intestinale s’adapter.
  • Adapter la présentation du fourrage, long, en cubes, en bouchons, selon l’âge ou les soucis dentaires.
  • Faire analyser le foin et la ration en cas d’apparition de troubles digestifs ou de variation de l’état corporel.

Au bout du compte, ajuster la part des fibres dans la ration, c’est offrir au cheval bien plus qu’un simple confort digestif : c’est lui garantir l’énergie, la sérénité et la longévité qu’il mérite. La fibre n’a rien de spectaculaire, mais c’est elle qui, discrètement, écrit chaque jour la santé de nos compagnons à sabots. Qui, demain, osera encore la négliger ?